Bloquée au milieu de l'altiplano bolivien
Aujourd'hui, pas de jeeps au poste de contrôle. Ni dans un sens ni dans l'autre. En effet, l'une des communautés indiennes du Sud Lipez est en conflit avec le gouvernement (une histoire de gros sous). Ils bloquaient depuis quelques jours la région de l'arbol de Piedra (une zone touristique de l'altiplano bolivien ou se trouvent des roches granitiques sculptées par le vent). Ils sont désormais passés à la vitesse supérieure et bloquent les accès routiers et les pistes menant à la laguna Colorada ou tous les tours s'arrêtent pour passer la nuit.
Cela m'inquiete un peu car je n'ai des bolivianos que pour payer 3 nuits au refuge. En revanche, je suis bien ici au milieu de nulle part, seule au bord de deux des plus belles lagunes du monde dans cet environnement sans pareil.
Je m'installe dans la salle commune et me fait un petit maté pour accompagner une part de mon moelleux au citron (je suis bien contente de l'avoir celui-la).
Je finis la passionnante biographie de Neruda "J'avoue que j'ai vécu" que je fais trainer depuis un mois que je suis entree au Chili tellement ce livre est interessant et bien écrit (et traduit, merci Gallimard)
La radio chante en fond.
Une voix féminine et une autre masculine egrennent alternativement et par ville le prix des aliments de base sans ordre logique (du moins pour moi) : "en Sucre, el Azucar tres boliviano per kilo, el maiz cuatro bolivianos per kilo. En Santa Cruz, la dozena de pimientos, cinco bolivianos..." accompagnés d'un fond de musique andine.
Je donne de l'eau au cycliste allemand qui a partagé le refuge avec moi hier et qui s'apprête à faire le trajet à travers le désert seul avec sa bicyclette.
Maria-Elena, la gardienne du refuge cuisine tandis que ses trois enfants, Ariel, Joel et Celina jouent ensemble (sans aucun jouet) ou avec le chat. J'ai de l'eau et de la nourriture (soupe, fruits, biscuits, chocolat) pour tenir plusieurs jours.
Je vais profiter du temps que j'ai pour me balader tranquillement autour du refuge.
Bon, en fait, je bouquine et je vais faire une looongue sieste.
J'emerge vers 16h. Dans la salle commune, deux boliviennes qui attendent un hypothetique transport vers Uyuni en ces temps de blocage.
Mariza et Janet viennent d'être expulsées du Chili ou elles vivaient depuis 4 mois. Les deux travaillaient comme serveuse dans un restaurant de Copiapo (...)
Le salaire au Chili est de 800 usd par mois tandis qu'en Bolivie il est de 300 usd par mois, d'ou une immigration illégale assez importante.
Elles ont toutes les deux des enfants qui vivent avec leurs pères à Cochabamba. C'est la qu'elles veulent aller, si possible aujourd'hui mais plus probablement demain ou après-demain si le blocus des routes se résout.
On boit du maté avec des biscuits que j'ai dans mon sac, on bavarde un peu de tout et de rien.
Je vais me balader une heure à l'est de la laguna blanca ou il y a une centaine de flamants. Je les filme et les photographie et retourne au refuge repoussée par un vent à écorner un boeuf qui me frigorifie.
Un autre maté pour me rechauffer, je bavarde un peu avec un anglais et son guide venus pour escalader le Licancabur puis vais me coucher.